Les médias sont constamment à l’affût d’experts disponibles pour commenter et analyser l’actualité. Certains visages nous sont devenus familiers, mais il est toujours possible pour un professionnel de se faufiler dans l’arène et de tirer profit de la notoriété que peuvent lui procurer les grands médias.

La réalité : les journalistes sont sous pression, leurs heures de tombée sont serrées et leurs délais de réaction sont habituellement très courts. Sachant cela, votre objectif consistera à faciliter leur tâche en comprenant leur réalité, en vous rendant disponible et en leur livrant une information pertinente et bien ficelée.

Trois conditions sont nécessaires pour devenir un expert consulté par les médias: être compétent dans son domaine; être disponible immédiatement pour des entrevues; savoir répondre aux attentes des journalistes… et du public.

Un seul homme éloquent, habile, et accrédité, pourra beaucoup sur les hommes, cent philosophes n’y pourront rien s’ils ne sont que philosophes.

Voltaire
Le philosophe ignorant

Compétent dans son domaine

Corneille avait certainement raison quand il affirmait que la valeur n’attend pas le nombre des années. Une solide formation et une expérience minimale dans un domaine vous confère effectivement assez d’autorité pour en expliquer les rudiments aux auditeurs d’une émission ou aux lecteurs d’une publication généraliste. Les journalistes ont même plutôt tendance à apprécier un regard neuf sur un sujet, et une voix différente des quelques-unes auxquelles nous sommes habitués.

Une analyse très fine ou très exhaustive pourrait nécessiter une profondeur d’expérience que les professionnels plus seniors seront davantage en mesure de livrer – par exemple l’analyse en direct d’une soirée électorale -, mais il ne faut surtout pas attendre d’avoir accumulé trop de cheveux gris avant de plonger et de se frotter à la machine médiatique.

Pour les plus expérimentés, le principal défi consistera justement à contourner la malédiction du savoir (the curse of knowledge), ce fléau qui afflige de nombreux experts et leur fait oublier que la plupart des gens n’ont pas entendu les huit entrevues qu’ils ont déjà données sur le sujet, qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’est le « néo-réalisme » ou la « doctrine », et qu’une vulgarisation minimale est toujours nécessaire.

Disponible pour des entrevues

Les salles de nouvelles sont de véritables ruches soumises à des délais très serrés. Quand une équipe éditoriale identifie un sujet le matin pour une émission du midi, trouver l’expert susceptible de connaître le dossier et d’être disponible pour répondre aux questions constitue un défi. Qui intéressera davantage le journaliste : le plus grand expert ou celui qui est aisément disponible?

Quand le téléphone vous réveille à 6 h du matin pour vous demander si vous pouvez accorder une entrevue à 7 h 30, assurez-vous d’être Mr. Right Now, ou d’avoir une solution de rechange à proposer au recherchiste. Sinon, on passera immanquablement à l’appel suivant, et vous aurez peut-être manqué une bonne occasion de vous positionner et de faire valoir votre expertise, fut-elle considérable.

Comment faire connaître sa disponibilité? D’abord, assurez-vous que vos coordonnées et les détails de votre expertise sont facilement disponibles, que ce soit sur votre page personnelle ou celle de votre organisation. Ensuite, publier un texte dans les pages Idées, Forum ou Opinions des grands journaux quelques jours avant un événement important peut s’avérer une solution efficace pour attirer l’attention. Enfin, il est toujours possible d’émettre un communiqué de presse ou de donner un coup de fil explicite à cet effet.

Vous serez parfois surpris de constater qu’un article que vous avez écrit il y a longtemps fasse que des journalistes tombent sur votre nom et désirent vous contacter pour intervenir sur une question d’actualité.

Savoir répondre aux attentes

Pour répondre au format de la plupart des entrevues médiatiques, il importe de cultiver les interventions brèves et précises, et de s’assurer de vulgariser le langage technique. Des moyens plus efficaces existent pour être crédible que d’utiliser une terminologie que l’auditeur lambda ne comprendra pas. Pris au dépourvu par une question, offrez toujours une solution de rechange : «Je n’ai pas l’information précise à ce sujet, mais je puis vous dire que…»

Il n’est pas recommandé de demander à l’avance les questions qui vous serons posées, mais n’hésitez pas à poser des questions sur l’entrevue que vous accorderez :

  • sera-t-elle en direct ou enregistrée?
  • comment sera-t-elle organisée?
  • comment le sujet sera-t-il abordé?
  • qui d’autre sera interviewé?
  • quels sont les objectifs poursuivis?

Ne jamais prendre pour acquis que ce qui précède sera suivi à la lettre, les recherchistes à qui l’on parle dans les entrevues préliminaires n’étant souvent pas le journaliste ou l’animateur avec qui l’entrevue réelle aura lieu.

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Appuyer son propos, fournir des exemples et des faits au journaliste permet de garder un certain contrôle sur le contenu et d’assumer pleinement son rôle d’expert. Souvenez-vous de ce que les médias recherchent :

  • des propos concis et précis dignes d’être cités;
  • une intervention claire et crédible.

L’agressivité et le silence représentent deux pièges à éviter pour assurer des relations harmonieuses avec les médias. Il importe enfin d’éviter la tentation du off the record… à moins de souhaiter que l’information devienne publique.

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*Je salue au passage les professeurs Stéphane Roussel et Michel Fortmann à qui j’emprunte librement le titre de cet article: « Les experts Minute Rice », La Presse, 26 novembre 2001, p. B3.